La Boulangère

     Le réveil sonne. Je n'ai pas encore dormi. J'ai passé la nuit a me faire des lignes et à somnoler entre deux mondes. Toujours est-il qu'il faut que je me mette au boulot, l'argent va pas tomber du ciel. Je me prépare un café, met en route l'ordinateur, allume une cigarette et prends mon téléphone. Ce matin je dois m'occuper de faire ma publicité. Je choisis stratégiquement quelques personnes pour faire tourner l'info. Le message est simple : "Juste pour vous mettre tous au courant, j'ai reçu la foudre. Passez à la maison, vous serez pas déçu." La nouvelle devrait vite se propager. Et puis j'ai une petite réputation dans le coin, les gens savent très bien que je ne mens pas quand je leur dit que c'est du bon. Ils savent que je suis difficile sur ce genre de produits. La poêle est posée sur l'imprimante a coté de l'ordinateur, je m'en saisi et avec une carte à jouer je trace une petite ligne sur le téflon. C'est le deux de trèfles. Mon père disait toujours que c'était une carte porte bonheur. J'inspire avec peine le petit trait de poudre jaune. Comme j'ai passé la nuit à en prendre j'ai les muqueuses du nez toutes gonflées. Je suis d'excellente humeur ce matin et le soleil luit tranquillement a l'extérieur. Je décide de rassembler un peu ma monnaie, m'habille et je pars à la boulangerie. Dehors les oiseaux chantent, l'eau qui coule dans la marre du jardin me murmure des compliments dans un doux clapotis. Les quelques insectes qui volent par ci et là ont l'air de petites particules de lumière dans la lueur de ce soleil matinal. Ca ferai un beau tableau. Dans la rue, pas un bruit, il n'y a presque personne dehors. Seulement quelques voitures qui partent au travail et quelques vieux qui promènent leur chien. J'aime beaucoup le calme qui règne dans le village à cette heure là. En ville ils n'ont pas cette chance. A peine sonné les 6h tout s'y agite et le bruit des voitures, des camions et des bus se réveillent eux aussi. Ici, si on oublie le peu de voiture qui passent, on entends que le son du vent. 

    J'entre dans la boulangerie. Je regarde avec envie les viennoiseries qui attendent patiemment derrière la vitre de leur présentoir. "Monsieur !" Tout a l'air si bon ce matin. "He Oh! Monsieur?" J'achèterais bien toute la boutique si je le pouvais. Une voix stridente et désagréable me sors de ma rêverie.
    "-Monsieur ! C'est bon vous avez choisi ? Les autres clients n'ont pas toute la journée!"
Nous ne sommes que tout les deux dans la boutique. Elle me regarde de haut en bas en me dévisageant et en tapotant impatiemment ses doigts sur le comptoir. A vrai dire je ne sais pas trop comment réagir. Je n'ai pas dormi, je suis totalement déchiré et elle me parle comme à je ne sais quoi.
    "-Bonjour. Je vais vous prendre juste un croissant s'il vous plait.
    -Et avec ceci?
    -Juste un croissant, ce sera tout merci."
Être aussi désagréable devrait être illégal. Elle tape sur sa caisse enregistreuse et me tends mon croissant. Je le récupère, puis la salue avant de repartir, d'un peu moins bonne humeur.

    J'ai à peine fini mon deuxième croissant que je reçois déjà quelques réponses. Je risque d'avoir du monde cet après midi. C'est bon signe, avec un peu de chance j'aurait tout bazardé avant la fin de la semaine. Je vais pouvoir penser un peu à autre chose. Tiens d'ailleurs, comment elle va elle? Je suis sûr que ça la rendrait folle de savoir que je me porte aussi bien. Je décide de lui envoyer un message. "juste histoire de prendre des nouvelles."

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