Les Coquillettes

Il est 14h. J'ai faim. J'ai d'ailleurs tout le temps faim. Quand je suis encore large dans mon budget je ne me pose pas de question : je fais défiler les différents restaurants sur l'application,  je paye, je mange et fin de la discussion. Mais quand je commence à être dans le rouge, c'est une autre histoire. Il faut que je réussisse à faire quelque chose de bon avec ce qu'il reste au fond de mes placards. Il faut vraiment que ce soit bon. Manger se doit d'être un plaisir. S'il y a bien une différence entre la vie et la survie, c'est très certainement le plaisir. La plupart du temps, quand j'ai du choix dans mes réserves, j'adore cuisiner. En général, je fais mes courses une fois par semaine et achète de bons produits : légumes, viandes, fromages, féculents, quelques sucreries. Mon alimentation est plutôt variée. Aujourd'hui mes tiroirs sont vides, j'ai dépenser mes derniers euros pour les affaires et je m'efforce de trouver une idée de recette. En vérité il y a encore largement de quoi manger mais disons que cela ne m'inspire pas grand chose. Je soupire et attrape le plus petit oignon des trois qu'il me reste et l'émince en essayant de le détailler le plus finement possible. Ensuite je jette le tout dans une poêle avec un bon carré de beurre et pendant qu'il fond, j'écrase une gousse d'ail que j'ajoute à la préparation. Une pincée de sel, du poivre, quelques épices, puis je laisse mijoter à feu doux. Je prends une casserole pour y faire bouillir de l'eau. Dès l'ébullition, j'y verse une quantité abondante de coquillettes. Je n'aime pas les coquillettes mais c'est tout ce qu'il me reste. Je ne sais même pas pourquoi il y en a dans mon placard. C'était sans doute les pâtes les moins chères du rayon ou alors peut être que je m'étais dit que j'en mangerais moins et qu'en conséquent, cela me durerait plus longtemps. Je continue ma recette improvisée ajoutant plus ou moins au hasard les ingrédients. Cela ne semble pas si mal et un doux fumet commence à envahir la cuisine. J'abandonne tout sur le feu et quitte la pièce.


J'écrase une cigarette dans le cendrier lorsque retentit le minuteur de la plaque de cuisson. Je me presse donc dans la cuisine, me sers une assiette puis me mets à table. Je n'ai pas vraiment l'œil pour ce qui est des quantités mais au moins, je sais ce que je vais manger pour les trois prochains repas. Je n'aime pas les coquillettes mais après tout, j'ai faim. Et puis, avec la sauce ça ne devrait pas être si terrible. Après quelques bouchées, j'ajuste ma recette. Je rajoute une lichette de crème, un peu de sel et sur un élan d'aventure, une pointe de sirop d'érable.  Ca peut paraître surprenant d'un prime abord, mais le sirop d'érable se marie parfaitement bien avec le goût du curry. Je prends cela en note dans un coin de ma tête et finis mon assiette. Je mets les casseroles et l'assiette dans l'évier, passe un coup d'éponge sur la plaque, puis me dirige vers mon ordinateur. La vaisselle continue de s'entasser dans mon évier mais tant pis, je la ferais plus tard.

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