Induction

     Il est l'heure de manger. Enfin! En quelques secondes j'ai ranger mes affaires dans mon sac et je sors de la salle de classe pour rejoindre mon ami. En une minute j'ai dévalé les quatre étages qui me sépare de la sortie. Je traverse la cour en vitesse et passe le portail. Là, à l'extérieur, il m'attends déjà.
    "-Dépêches toi on a qu'une heure devant nous ! 
    -Ah bon? tu reprends à treize?
    -Oui. Bon. on va où? On va pas fumer ça là!"

    Nous avons finalement décidé de nous arrêter dans un passage souterrain à deux pas du lycée. Nous nous asseyons et sortons tout le matériel nécessaire. Le tabac, la beuh, les feuilles longues dont je comprends enfin l'utilité. J'en avais acheté par erreur et je n'avais pas osé dire au buraliste qu'il s'était trompé. Je m'était longuement demandé pourquoi quelqu'un aurait voulu fumer des clopes aussi longues. Déjà qu'une classique c'est plutôt écœurant. Pendant que je met la beuh en morceau mon ami roule un morceau de carton en un petit tube qu'il place à l'extrémité de la feuille. Non sans mal je fini d'effriter la substance qui me colle au doigts et s'envole à moitié a cause du vent qui souffle dans le tunnel. Une fois le joint roulé, mon collègue de fumette roule le papier qui dépasse comme une papillote. Le tout ressemble a une espèce de petit pétard. Comme ceux avec lesquels on emmerdait tout le voisinage quand on était petit mais celui si est plutôt conique. Il me le passe et me tend son briquet à essence.
   "-Bon allume le qu'est-ce que t'attends!"
    J'essaye d'allumer la mèche tant bien que mal. Je perds vite patience, j'arrache le bout et l'allume comme une cigarette. La feuille s'enflamme et la moitié du mélange tombe par terre. Je n'ai jamais vraiment aimé ni l'odeur ni le gout de l'essence de ce genre de briquet et en plus ce n'est même pas pratique. Moi j'utilise toujours les petits briquets à gaz que l'on trouve partout mais j'imagine qu'un pétard ça se fume différemment. Mon pote lance une musique de Bob Marley. Nous aspirons tour à tour sur la beuh. En même temps nous discutons d'un peu tout et d'un peu rien. Chacun fais la liste des stars et célébrités qu'il préfère. Surtout ceux qui fument et consomment des drogues évidemment. Tout en mettant l'accent sur leur talent et leur succès respectif. On se fait écouter quelques morceaux en jouant à qui aura la chanson la plus déjantée et la moins connue. Très vite, c'est la fin du pétard. Alors qu'arrive la fin d'un morceau des Doors. Il se relève et soupire.
    "-Elle me fais rien sa beuh ! Non seulement il t'en a pas mis beaucoup mais en plus elle fais rien !
    -Ouais j'sais pas, peut-être qu'on en a pas mis assez?
    -Je pense que tu t'es fais arnaquer surtout ! Tu le connaissais le type ?
    -Ouais je l'avais déjà croisé deux trois fois.
    -Bon bah on ira râler ! Parce que franchement si il nous a niqué ça va pas le faire !
    -Ouais faut qu'on essaye d'en mettre plus la prochaine fois aussi."
Il regarde sa montre puis me dit:
    "-Bon moi faut que je file il est déjà 12h50. Si je traine trop j'vais être en retard."
On se salue puis on se sépare. Moi il me reste encore une demi heure pour aller en cours. Je passe donc manger au self en vitesse avant que sonne le début des cours.
    Je me presse dans les escaliers. L'alarme a retenti depuis quelques minutes déjà. D'un coup de pied j'ouvre les portes battantes du hall. Je monte les marches par quatre mais mes jambes sont déjà fatiguées. Je bifurque dans le couloir sans fenêtre du troisième étage. J'ai l'impression qu'il y fait plus sombre que d'habitude. Ma classe se trouve au bout du couloir mais celui-ci semble s'allonger. Je marche tellement vite que j'en ai mal aux orteils. Une fois arrivé au bout je constate que tout les élèves sont rentrés en classe et la porte est déjà fermée. Je frappe quelques coups et entre. Passée la porte, un grand silence règne dans la salle. Tout les élèves ont déjà sorti leur cahiers. La professeure de français me dévisage et me lance :
    "-Et bien nous n'attendions plus que toi. Une minute de plus et je t'envoyais à la vie scolaire.
    -Euh... Excusez moi, j'ai mis un peu trop de temps pour manger.
    -Peu importe. Allez ! Va t'asseoir."
L'ambiance de la classe est différente cet après midi. Le silence semble plus lourd. Chaque stylo qui tombe, chaque page qui se tournent, chaque chuchotement des élèves semblent résonner dans la pièce. 
    "-Très bien ! Commençons !"
En ce moment nous étudions les écrivains du dix huitième siècle. Aujourd'hui c'est un texte de Montesquieu que la professeure veux nous faire disséquer. C'est vraiment pas le genre de chose qui me passionne mais aujourd'hui, je suis encore plus distrait qu'en temps normal. Ma tête semble plus remplie, mon corps est engourdi et semble vibrer. Je n'ai ni la force ni l'envie de prendre mon stylo. Je suis comme vidé d'énergie et de motivation. Quelques fois quand le cours ne m'intéresse pas je passe l'heure à dessiner sur mon cahier mais aujourd'hui, je suis adossé contre le mur et j'observe le reste de la classe, béat. Ma vision semble plus nette que d'habitude et chaque fois que le soleil traverse les nuages les murs jaunâtre semble se colorer d'une douce lueur dorée. La voix de la professeure et le grattement des stylos est semblable à l'ambiance d'un café de gare. Je n'écoute pas vraiment mais je ressens cette atmosphère assez particulière. C'est presque agréable. Mes pensées dérivent lentement en rythme avec cette douce harmonie. Je me laisse bercer plongeant petit à petit dans une étrange torpeur. Je me sens bien. L'air semble plus épais à respirer, je peux le sentir sur ma peau. Les sons se font de plus en plus doux et feutrés. Tout semble ralentir. Mes pensées se calment et mes paupières se ferment. Je m'endors.

Amnésie Sélective

    Cela fait quelques temps que je n'ai pas réouvert ce bouquin. J'avais un peu perdu la magie des débuts. Surtout que cela me semblait plutôt peu crédible au final. Mais après certaines expériences de ma vie il était tout naturel que j'y revienne. Cela s'imposait à moi. Je feuillette le début du livre afin de me rappeler dans les grandes lignes là ou j'en étais rendu. J'avais bien avancer sur la théorie. Je pense avoir déjà compris la majorité des principes et techniques enseignées jusque là mais je n'ai pas encore vraiment osé essayer de peur de passer pour un allumé au près de mes amis ou ma famille. J'avais juste pu faire quelques expériences de magnétisme avec ma sœur. Ma grande sœur adore tout ce qui touche à l'incroyable, la magie, les esprits, les énergies. Elle pour le coup c'est vraiment une allumée.  étonnamment cela s'était plutôt déroulé comme l'indiquait le livre mais je restais sceptique. Pour moi, il s'agissait plus de réflexes physiologiques propre au corps humain qu'à une véritable énergie "magnétique" ou à une quelconque influence des suggestions. 
    Toujours est-il qu'après m'être renseigné sur les placebos, l'intérêt pour ce bouquin s'était remis à crépiter en moi. Je m'étais arrêté au passage qui traitait de l'ancrage. Quel était le principe et comment le mettre en place. C'était très intéressant. La suite en revanche était un peu plus obscure pour moi. Je décide donc de sauter tout un passage pour passer au chapitre des exercices pratiques. La partie thérapeutique m'intéresse peu, c'est le côté spectaculaire, les effets plus impressionnants qui m'intéressent vraiment. 
    Je lis plus ou moins en diagonale. Alors… Réactions émotionnelles… Comportements inhabituels… Catalepsies partielles ou complètes… Amnésie sélective? Alors là, ça, ça m'intéresse ! Je ne suis personnellement pas capable d'oublier quoi que ce soit. Je suis capable de me rappeler de détails d'une conversation, du temps qu'il faisait voir de la couleur des vêtements de mon interlocuteur et ce même si la scène s'est passée il y a plusieurs années. Il m'arrive même parfois de me rappeler de chose que je n'ai jamais apprises. Cela m'arrive parfois en cours lorsque je dessine. Je n'écoute pas du tout le cours mais mes oreilles semblent tout de même envoyer l'information à mon cerveau. Alors qu'est-ce que c'est que cette histoire d'amnésie ? Une fois induit en sommeil hypnotique, on peut suggérer au sujet d'oublier une partie de sa mémoire ! On pourrait carrément leur faire oublier leur prénom ou leur numéro de téléphone ! Je lis attentivement. Un exercice courant consiste à faire oublier un chiffre entre un et dix. L'hypnotiseur demande ensuite au sujet de compter sur ses doigts. Celui ci pense alors qu'il a un doigt de plus ! Impressionnant. L'effet disparait évidemment lorsqu'il sort de l'état d'hypnose et il récupère alors toute sa mémoire. J'ai vraiment envie d'essayer ! Je pourrais essayer sur moi si je comprenais comment me placer moi même en sommeil hypnotique et me chuchoter à moi même des suggestions tout en étant endormi. Ca me permettrai peut-être d'oublier d'être con. Je souris à ma propre blague tout seul devant mon livre. Non sérieux j'vais passer pour un fou si j'me met à essayer d'hypnotiser les gens au lycée. Je parcours les pages du livres. S'hypnotiser sois même ça doit bien pouvoir être possible ? Après quelques minutes à faire défiler les pages je tombe enfin sur ce que je recherche. *Auto Hypnose* et *Auto Suggestion*. Bon. je lirai tout ça demain. Dans le cas contraire je n'aurais pas le temps de fumer mon pétard avant de me coucher. Je suis presque à la porte lorsque ma mère arrive de derrière et m'interpelle.
    "-Tu vas où comme ça à cette heure là?
    -Je vais promener le chien !"
Cette réponse l'irrite quelque peu. Nous n'avons évidemment pas de chien.
    "-Je rigole, je vais juste fumer une clope.
    -Bon. D'accord. Mais fais en sorte que ton père ne te vois pas. Sinon tu sais ce qu'il t'attends !"
Mes deux parents savent depuis un moment que j'ai commencé la cigarette mais, va savoir pourquoi, c'est surtout mon père qui ne le supporte pas. J'ai beau sentir le tabac à chaque fois que je rentre du lycée il ne s'y est toujours pas fait et me fais toujours une remarque désagréable quand ce n'est pas carrément une crise de colère. Je vais donc un peu plus loin dans le jardin, fais rouler la pierre du briquet que j'approche de la flamme. Le joint s'embrase et la fumée emporte mes pensées loin des remontrances de mon père. Une légère brise souffle mais il fais plutôt doux pour un soir de mars. Je tends l'oreille. Ca s'agite à l'intérieur de la maison. Je vais prendre le plus de temps possible. Avec un peu de chance quand je rentrerai mon père sera hypnotisé devant sa télévision et ne me fera aucune remarque. Je l'entends râler d'ici.

La Bulle

 année 2014

    Hâtivement, je quitte la salle de classe, laissant mes camarades encore en train de noter les devoirs pour le cours suivant. Normalement il reste encore deux heures avant que la journée soit terminée. Je m'en fiche. J'ai bien mieux à faire. Et puis ce ne sont vraiment pas des cours important. "Accompagnement personnalisé" ils appellent ça. Je n'ai jamais vraiment compris à quoi cela servait. On se retrouve dans une salle avec des élèves qui viennent de toutes classes pour finalement s'ennuyer et faire semblant de travailler. Ils disent que c'est pour soutenir les élèves dans certaines matières ou travailler sur notre orientation. Vraiment pas le genre de choses dont j'ai besoin. Les cours je les connais déjà par cœur. Comme j'ai redoublé j'ai déjà eu exactement les mêmes cours l'année dernière. Je passe le portail du lycée et déjà une agréable odeur d'herbe magique viens me chatouiller le nez. Ce n'est pas celle qui viens de mon sac à dos. Elle vient des bancs. Les bancs c'est l'endroit où tout les fumeurs de pétards du lycées viennent se rejoindre pour se détendre. Il s'agit de trois bancs verts légèrement cachés de la route par quelques arbres et buissons. "Rejoins moi, j'suis aux bancs" est sans doute la phrase que j'attends le plus chaque jour. Ils se trouvent juste à coté du lycée, à l'opposé du coin fumeur. Peu importe l'heure, il y a toujours quelqu'un en train de fumer aux bancs. Enthousiaste je m'empresse de rejoindre la douce odeur qui s'en dégage. Plus je m'approche plus l'odeur se fait forte. J'entends de la musique, des gens qui discutent comme dans une de ces soirées qui durent jusqu'au petit matin. Je tourne à l'angle du lycée et les trois bancs verts apparaissent devant moi. Une épaisse fumée plane dans l'air et la musique semble envelopper tout l'espace. L'atmosphère est douce et envoutante. J'ai l'impression que je viens de rentrer dans une bulle, hors de l'espace et hors du temps.

    Je n'ai jamais vu autant de monde à cet endroit. C'est comme si tout le monde s'était passé le mot pour venir se rejoindre ici à cette heure. Plus tôt dans la journée une très grosse livraison de Lemon Haze avait eu lieu. C'était la nouvelle beuh que tout le monde s'arrachait en ce moment. Et personne aux bancs n'avait loupé l'occasion visiblement. Une épaisse brume, des rires et des quintes de toux, du rap, planant mais entrainant, des jolies filles de tout les styles… Tout cela forme une parfaite harmonie. On se croirait dans une série américaine. Les vendeurs vendent, les fumeurs fument, les filles et les garçon se draguent et la musique fuse. Au total on doit être une trentaine de personnes à être venu flâner et discuter sous le soleil rayonnant de cette fin de printemps. D'un coté on parle de la qualité de l'herbe, de l'autre des nouvelles découvertes musicales et des morceaux a la mode. On négocie le prix de la beuh, on taxe deux trois bouffées à droite à gauche, on planifie les prochaines grosses commandes, les prochaines grosses soirées. Tout l'endroit est baigné dans une odeur de fumée et de transpiration, sous le nez des surveillants, du directeur et aussi, de la police. Les trois bancs sont devenu une zone de non droit dans laquelle des dizaines de jeunes s'épanouissent et rient ensemble au son des tambours à la manière d'une tribu d'Apaches ou de Sioux. Fumant leur calumet comme animés par une transe éveillée. La fumée est comme liquide. Le monde semble s'éveiller enfin. Le soleil se rapproche petit à petit de l'horizon, me rappelant que je ne dois pas rentrer tard. Je prends une grande bouffée sur le joint pour le terminer puis, d'une pichenette, l'éjecte en direction de la poubelle. Je salue mes amis et, à contre cœur, traverse a nouveau la fine membrane qui sépare l'intérieur de la bulle du reste du monde. 

    Je marche lentement à travers la ville pour rejoindre l'arrêt du bus qui me ramènera chez moi. Je suis totalement éclaté. Ma bouche est sèche. Mes yeux me brulent. Je peux sentir mon cœur battre dans chacune des parties de mon corps. Les écouteurs dans les oreilles, je me sens comme dans un clip de musique. Chaque voiture, chaque passant semblent avancer en rythme sur la mélodie. A ma grande surprise, même le bus est synchrone. A peine arrivé qu'il s'arrête devant moi et ouvre les portes pour laisser rentrer les premiers passagers. Je monte, présente ma carte et vais m'asseoir sur une des places tout au fond. A chaque arrêt les passagers qui montent me regardent et me dévisagent. Je pue la drogue et en plus, je dois avoir l'air totalement torché. Est-ce que ça à une importance ? Pas vraiment. Je me sens bien, le soleil brille, l'herbe sent bon, la musique est belle. A ce moment, c'est tout ce qui compte.

Joli Jumper

     Il fait chaud. L'air est épais et le temps est lourd. Je suis assis. Là. Sur un banc. A fumer ce qui me semble n'être qu'une cigarette. On est en plein après midi mais il n'y a l'air d'y avoir personne dehors. Je n'entends aucune voiture, aucun enfant qui joue ou qui pleure. Les rayons du soleil font briller les particules en suspension dans l'air chaud de l'été. Quelques arbres me protègent de la chaleur étouffante. En fait je n'ai pas vraiment de notion de la température. Ni chaud, ni froid. J'ai l'impression d'être à l'intérieur d'une photo d'époque. Les couleurs sont brunes et ternes, comme sépia, la luminosité est forte et les ombres sont marquées et découpent parfaitement la lumière de l'obscurité' . Tout a l'air parfaitement normal quand soudain une voix s'éveille entre mes deux oreilles :
    "Chance ! A quoi tu songes ?"
Nous avons tous une petite voix dans notre tête qui réfléchi pour nous mais là, ce n'est pas celle-ci qui me parle. C'est une voix qui m'est inconnue mais qui me semble tout de même familière. Quelque chose parait différent.  Suis-je en train de rêver? Cette dernière pensée semble faire revivre toute les couleurs à ce qui m'entoure et un drôle de frisson parcours tout le long de mon corps. Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres. Oui ! Je suis en train de rêver ! J'ai déjà entendu parler de ça quelque part. Il arrive que pendant le sommeil paradoxal certaine personne arrivent a prendre conscience d'être endormi. Je comprends alors que j'ai le pouvoir éphémère de manipuler cette rêverie a ma guise et je me sens soudain comme empli d'énergie. Peu à peu je commence à me perdre dans une foule de possibles qui se bousculent et avance comme une fanfare dans les rues de mon esprit. Les limites et les frontières s'évanouissent. Désormais je suis l'architecte, le dramaturge, l'acteur et le créateur de ce rêve. Tout cela me gonfle d'orgueil et je n'arrive plus à réfléchir. J'essaye de penser de toutes mes forces mais mon esprit est en grande partie occupé à créer le monde dans lequel je me trouve. Il s'efforce aussi de contenir l'excitation pour ne pas que je me réveille. Je n'ai pas encore le contrôle total de mon rêve, c'est un équilibre fragile. A tout moment je pourrais me réveiller. Je prends une grande inspiration et réfléchi calmement. Ca y est! Je sais ! Est-ce que l'on pourrais vivre une sensation que l'on a jamais connu ? Ressentir une gravité différente de celle de la terre par exemple ? On va bien voir si j'ai raison. Je concentre mon esprit et me prépare pour le grand saut. Celle de la lune ! Ce serait parfait !
    Je fléchis les jambes et pousse de toute mes forces sur mes pieds. Le temps est comme au ralentit mais bientôt je quitte le sol et m'élève tout en lenteur vers le ciel. Cette sensation est indescriptible. J'ai l'impression de voler. J'ai l'esprit dans la lune mais j'essaye de rester terre à terre. Mon excitation s'amplifie de plus en plus alors que la gravité me ramène doucement vers le sol. Je pose un premier pied. Un deuxième. J'amortis le choc et me prépare pour mon prochain saut. Wow! C'est reparti ! J'attrape mes deux jambes avec mes paumes de main, je groupe mes membres et commence à pivoter sur moi même. Salto !  C'est comme un trampoline mais en mieux. Je vis chaque seconde comme en slowmotion. J'ai la sensation de progresser sous l'eau à la différence qu'ici je peux respirer. Je Saute. Je flotte. Double Salto ! Chaque saut que j'entreprends me porte un peu plus loin dans le paysage. A chaque saut je tente une nouvelle figure. J'atterri un coup sur les pieds, un coup sur les mains. Je file droit dans le paysage sans jamais m'arrêter. Je suis comme un singe qu'on aurait lâché dans l'ISS. Quelque chose du genre en tout cas. J'avais toujours ma forme normale, la ville était toujours la ville, en revanche mon esprit était parvenu à changer la force d'attraction du monde dans lequel j'évoluais. C'était simple en théorie mais invraisemblable en pratique. Et si je sautais trop haut ? Je ne réatterrirai peut-être jamais ? Ca m'étonnerai. J'aurais juste à imaginer une nouvelle planète et mon problème deviendrai juste une nouvelle porte à franchir et après tout, j'ai la clé de toutes les portes puisque cette dimension m'appartient. J'arriverai alors dans un nouveau monde encore vierge dont les montagnes et les rivières serait anonymes. Ainsi je serai le premier explorateur d'un monde qui n'appartiens qu'a moi, qui n'existe nul part ailleurs que dans mon esprit et dont la gravité serait négligeable. Ca m'excite. Je saute donc de plus en plus haut. Je teste les limites de mon esprit. Puis petit à petit le rêve commence à se désaturer, les couleurs se fanent en palettes délavées, les paysages se déforment en étranges distorsions. Je commence à entendre ma respiration, à percevoir mon corps, le vrai, celui qui est allongé dans mon lit. Et puis, alors que je retombe sur le sol de ma ville lunaire, je l'entends à nouveau : 
"Chance ! Réveilles toi!"

Journal Des Rêves

    Le bruit désagréable de la bouilloire se calme peu à peu alors que l'eau arrive à ébullition. Le claquement de l'interrupteur m'indique que c'est enfin prêt. Je rempli la cafetière et une bonne odeur de café commence à envahir la pièce. Je me sers une tasse et retourne m'asseoir a mon bureau. En ce moment j'ai beaucoup de mal à ouvrir les yeux le matin. J'ai mal au crane et tout mes membres sont engourdis. J'ai du mal à garder l'équilibre même en restant assis. Mais il vaut mieux que je me réveille du premier coup. Plus je reste allongé et moins j'arrive à me mettre debout. Je lance une playlist de Bossa Nova et ouvre l'éditeur de texte. Depuis quelques temps j'essaye de noter les rêves dont je me souviens. Ces temps ci, il se passe plus de choses quand je dors que quand je suis éveillé. Les réécrire permet de mieux les mémoriser. J'ai donc entrepris de noter tout ce dont je me souviens de mes nuits. Malheureusement, le temps que je réussisse à ouvrir les yeux, faire mon café et allumer l'ordinateur, la plupart de mes souvenirs se sont évaporés et il ne me reste de ces rêves qu'une vague sensation cela pourrait tenir en quelques mots. Le songe se dilue dans la réalité ne laissant que quelques morceaux de la scène. Mais j'ai décider d'essayer de me rappeler du maximum de détails possible. Je commence à écrire.

    "Je vis dans une banlieue pavillonnaire et j'aperçoit mes nouveaux voisins depuis le jardin. Il s'avère qu'ils ont une piscine ce qui me pousse à aller faire plus ample connaissance. Ils ont l'air très heureux de me rencontrer. Il s'agit d'un homme et trois femmes. L'homme tiens une grosse caméra et m'explique qu'il est réalisateur de film. Les trois femmes n'habitent pas ici mais sont en fait les actrices qu'il a engagé pour sa prochaine production. Il m'explique qu'il cherchait justement quelqu'un pour la prochaine prise. Il s'agit d'une scène qu'il tournera dans la piscine. Curieux, et me doutant de ce que ça signifie, j'accepte avec entrain. Les trois actrices sont plutôt jolie et ce n'est pas tout les jours que l'on à l'occasion de pouvoir avoir un rôle dans ce genre de film. Il place les spots et les réflecteurs tout autour de la piscine. C'est une piscine avec trois boudins, j'en avais une quand j'étais plus petit, bien que celle-ci est dans un format plus adapté pour les adultes. Pendant que les trois filles se remaquillent il m'explique qu'il n'y a pas de scénario et qu'il faut que je fasse au feeling. Tout le monde se met en place dans la piscine alors qu'il allume la caméra. "Action !" C'est affreux je suis terriblement gêné, j'essaye de discuter avec les trois actrices pour détendre l'atmosphère mais Elles n'en sont pas à leur première fois et elles ont d'autres projets pour moi. Très vite les maillots de bain laisse place à la peau nue et tendre de nos intimités respective. Il n'y a pas vraiment de logique mais c'est pas moi le réalisateur après tout. Elles me détendent, ou plutôt elle me tendent et ça me détend. On s'enlace, s'embrasse, se caresse. "Moins Romantique !" crie le réalisateur. Il y en deux qui se tripotent en gémissant alors que la troisième s'occupe de mon compte. Bien que je sois terriblement gêné, ce sont sans doute les meilleurs sensations que je n'ai jamais ressenties. Nous somme tout mouillés, quelques gouttes d'eau perlent sur nos corps. La lumière du soleil de fin de journée fait briller nos peaux et les courbes des trois actrices se découpent du ciel de juillet. Le film ne sera sans doute pas un grand succès tant je suis peu à l'aise dans mon rôle. C'est excitant, le visuel est très léché. Tout à l'air parfait. Mais un sentiment anormal, presque désagréable, me sors de l'euphorie générale. Je décolle ma bouche de la sienne pour pouvoir comprendre d'où viens cette sensation inconnue. Et là, je comprends enfin. Je suis en fait en train d'avoir un rapport avec une sorte de pieuvre qui m'aspire et s'accroche a moi avec ses ventouses et ses tentacules. J'essaye de me retirer mais j'suis maintenant complètement piégé dans cette sorte de sensation gluante et poisseuse. Il m'est impossible de m'échapper. "Coupez!" ."

    C'est à ce moment que je me suis réveillé. J'étais alors plutôt confus mais je suis resté raide comme un piquet. La sensation de panique s'était évanoui dès que je suis sorti du rêve mais le contact visqueux du vagin poulpe et mon érection, eux, ont persisté un petit peu après mon éveil. Les mots clefs "Voisin", "Piscine", "Pornstar" et "Poulpe" ont finalement retrouvés leur place dans le drôle de scénario que m'avais préparé mon cerveau. Pour ce qui est de la signification de ce rêve à la fois sensationnel et dégoutant, j'y réfléchirai plus tard. 

    D'une traite, je bois le contenu de la tasse de café. Il n'est pas encore froid. Je m'allume une cigarette. Laissons les rêves pour la nuit. Il est déjà 15h04 et j'ai rendez-vous dans une heure.