J'ouvre le premier tiroir du bureau. C'est le tiroir que j'utilise le plus. J'y dispose toutes les choses qui ne doivent pas rester à la vue de tous. Toujours est-il qu'on ne peux pas vraiment dire que ce soit vraiment caché. Si j'étais quelqu'un qui cherche quelque chose ce serait sans doute le premier tiroir que j'ouvrirai. La première question que l'on peux se poser lorsque l'on ouvre ce tiroir c'est "Pourquoi garde-t-il une poêle dans sa chambre ?". Ce serait légitime. Mais visiblement il y a peu de personnes qui fouillent dans mes tiroirs puisque c'est quelque chose que l'on ne m'a jamais demandé. Après n'importe qui aurait deviné ce qui se trame. Entre les traces douteuse sur le téflons et la balance de précision juste à coté il n'y a pas vraiment de question à se poser. J'ai souvent soupçonner Mirabelle de fouiller dans mon téléphone et mes affaires mais elle ne m'en a jamais parlé. Elle attendait sans doute que je lui dise de moi même. Ce n'était pas que j'ai spécialement eu envie de lui cacher quoi que ce soit mais je savais qu'elle était totalement opposé à ce genre d'activité. Elle avait été très claire la dessus. Mais est-ce qu'on peut vraiment faire changer quelqu'un? c'est sans doute ce qu'elle a cru. D'un autre coté avant de la rencontrer je ne faisais pas la cuisine et le ménage encore moins. Je grimace et hausse les épaules puis je remets le nez dans mon tiroir. Entre les enveloppes vides et les boites ayant contenues diverses substances j'entraperçoit la pipe de mon grand père. Je n'ai jamais vraiment fumer la pipe. Je n'ai pas vraiment connu mon grand père non plus. Le seul souvenir que j'ai de lui c'est le jour de sa mort. L'odeur dans la chambre d'hôpital. Le visage grave de ma famille. Le son des larmes de ma sœur. J'étais en théorie trop jeune pour avoir des souvenirs à ce moment là. Pourtant je me rappel parfaitement de cette scène. Je n'avais pas encore les notions pour comprendre ce que je vivais mais, j'avais sans doute compris que c'était grave. Tout du moins important car je crois que c'est mon plus vieux souvenir. J'arrête tout ce que je suis en train de faire et bourre un peu de tabac dans le creux de la pipe. Je prends quelques bouffées. J'inspire doucement. Par à-coups. Le gout du tabac n'est pas vraiment le même à la pipe. Pourtant c'est le même tabac que celui que je fume d'habitude. Une chose est sur c'est que les deux ne sont vraiment pas très bon. Mais ce gout, cette odeur… Pour moi, ce sont ceux d'un souvenir.
Après avoir jeté tout les emballages, enlevé les miettes de tabac, trié les ordonnances et rassemblé les piles de la balance dans une boite, j'ouvre le second tiroir. Je ne l'ouvre sans doute pas très souvent car je ne me rappelais même pas ce qu'il y avait dedans. Ah ! Mais si ! C'est la que je range mes cahiers d'anglais et d'espagnol. J'avais ressorti tout mes anciens cours du bac dans l'idée de poursuivre Estelle jusqu'en Amérique du Sud. Il me fallait pour ça apprendre à parler le plus couramment possible l'espagnol. L'anglais aurait été un plus. Quelle drôle d'idée. Heureusement j'y avais un peu réfléchi et j'ai abandonner le projet. J'imagine encore la tête qu'elle aurait fait si elle m'avais croisée à Buenos Aires ou à Medellin. Elle aurait sans doute eu l'air plus effrayée qu'étonnée. J'avais donc suivi son périple de loin. Depuis mon téléphone et mon ordinateur. Guettant chaque photographie chaque information, lui demandant de ses nouvelles dès que c'était possible. Ca avait l'air d'être le pied. J'en étais vert de jalousie. Et puis finalement c'est grâce a elle que j'ai commencé a remplir mon cahier puisqu'elle m'a gentiment proposé de me donner quelques cours par correspondance. Elle devait penser candidement que c'était la langue ou la culture qui m'intéressais mais à cette époque je ne pensais à rien d'autre qu'à elle.
Le troisième tiroir est dédié a l'apprentissage de la musique. Toutes sortes de bouquins de théories, de partitions, de tablatures. Il y a aussi un petit classeur dans lequel je range les paroles des chansons que je sais à peu près jouer. Je ne sais pas si j'aurais encore envie de les jouer aujourd'hui. Je les ai beaucoup aimées à l'époque mais maintenant elles ne résonnent plus de la même manière en moi. Il y a aussi trois cahier. Le premier porte sur la théorie musicale en général et le solfège. C'est celui que j'aime le moins et pourtant sans doute le plus utile. Le second est plus spécifique et est concentré sur l'apprentissage de la guitare. Le dernier était prévu pour rassembler toutes mes connaissances en matière de composition et d'enregistrement sur l'ordinateur. A vrai dire celui ci est resté vide. On ne peut pas dire que les deux autres soient très remplis mais au moins j'y ai écris quelque chose. Quelques paragraphes, quelques schémas. Le tout tiens sur une dizaine pages. J'en aurais bien écris plus mais je n'ai pas vraiment assez de connaissance. A cette période je voulais a tout pris tenir ces trois cahiers dans l'espoir de pouvoir transmettre un jour tout ce que j'avais appris sur le domaine. J'y ai écris pendant quelques jours mais j'ai très vite cessé de les remplir et je les ai finalement abandonnés dans ce tiroir.
C'est fou comme je vieilli. Chaque tiroir me rappelle tout ce que j'ai laissé au passé. Dans celui ci il y a mes carnets et mon matériel de dessin. Je les sors tous un par un pour faire un peu de rangement. En plus comme ça je saurais ce que je dois racheter quand je m'y remettrai plus sérieusement. La plupart des pinceaux sont éméchés, leurs manche souvent marqués de trace de dents. Les crayons ont été taillés jusqu'à ce que ça devienne impossible. Les tubes de peintures ont été vidé de tout leur contenu et ceux dans lesquels il reste encore quelques gouttes ont séché et sont devenus inutilisables. Ce tiroir est un vrai champs de bataille et j'y ai laissé pourrir les cadavres de mes deux laborieuses années d'école d'arts. Je décide de sauver les quelques survivants. Le reste je m'en débarrasserai dès que j'en aurais l'occasion. Alors que je range le matériel dans le tiroir qui a l'air soudainement bien plus spacieux, mon attention se porte sur un vieux carnet très usé et tout tâché de peinture. Ce carnet, c'est le carnet de mes vingt ans. Je m'étais plus ou moins essayer a la peinture avec les vieilles acryliques que j'avais retrouvées dans les archives de mon père. Je l'époussète et l'ouvre à la première page. En tout cas ça aurait du être la première page mais il se trouve qu'elle est manquante. Elle a été soigneusement découpée à l'aide d'un cutter. De manière chirurgicale. Si je ne connaissait pas bien ce carnet je n'aurais sans doute même pas remarqué qu'il manque une page. Je parcours à la va vite les pages suivantes. J'ai toujours été plutôt doué pour les tracés mais quand il s'agit de mettre en volume ou en couleurs je suis très vite perdu. C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai très vite abandonné. Quand je pense au dessins que faisait ma sœur à la même époque je me dit que j'aurais du arrêter depuis très longtemps. C'est mon défaut. Je m'accroche toujours aux choses que je trouve belles sans jamais me demander si c'est vraiment le moment, si je suis vraiment fait pour. Je ferme le vieux carnet taché de rouge et le range soigneusement avec les autres.
Il s'est écoulé au moins une heure depuis que j'ai ouvert le premier tiroir. Je ne pensais pas que mettre un peu d'ordre dans mes affaires me prendrait autant de temps. C'est fou tout ce qu'on peux retrouver en faisant un brin de ménage de temps en temps. Je devrais faire ça plus souvent. Mais bon ce n'est pas comme de la musique ou du dessin. Ce n'est pas la même satisfaction. En plus la plupart du temps je n'ai pas la joie de dépoussiérer mes souvenirs comme je l'ai fait aujourd'hui. D'habitude je dois faire les corvées. Le balai, l'aspirateur, la serpillère, la lessive, la vaisselle. C'est long et ça, ça ne caresse pas du tout mon esprit. Retrouver un peu la mémoire en farfouillant dans de vieilles affaire en revanche c'est vraiment agréable. Avec enthousiasme je vais pour ouvrir le dernier tiroir du bureau mais celui-ci résiste un peu. Il est tellement plein qu'il a du mal à s'ouvrir. C'est le tiroir dans lequel je range tout ce que je ne peux pas mettre ailleurs. Dès que je ne sais pas où ranger quelque chose je le met ici. En forçant un peu il fini par s'ouvrir. Ouah ! Il y a du monde la dedans ! Ca me rajeunit vraiment pas cette histoire. Il y a tellement de bazar que je ne sais pas où commencer mon tri. Il est rempli de trucs, de bidules, de machins. Je commence par sortir tout ce qui me semble sans intérêt particulier. De vieilles babioles que je ne sais même pas pourquoi j'ai garder, d'objets démontés dont je voulais sans doutes conserver les pièces. Ca, ça représente environ les deux tiers du contenu de ce tiroir. Je garde vraiment tout et n'importe quoi. Il devait sûrement y avoir une raison à la base mais j'ignore ce que ça pouvait être. Le tiers restant est occupé par des boites de chaussures, elles aussi remplies de toutes sortes de babioles. La première contient un nombre incalculable de paquets de cartes, des petites éponges en forme de boules et de cubes et un livre sur le détournement d'attention. Je ne l'ai jamais lu car il est écris en anglais et le vocabulaire utilisé est très spécifique. Dans la seconde il y a des petites boites remplies de sable, de pierres, de cailloux, d'ossements, tout un tas de choses que j'ai pu trouver lors des voyages que j'ai pu faire étant enfant. Il y a aussi tout un tas de goodies que m'a ramenés mon père de ses divers déplacements professionnels. Le plus souvent je les trouvais sans intérêt mais c'était un des seuls liens que j'avais avec mon père alors je les ai toujours gardés. En hâte, j'ouvre la dernière boite. Etonnamment, celle là est plutôt vide. Une paire de lunettes, un modèle plutôt féminin, un briquet souvenir avec une petite inscription *"Summer Vibes"*, un paquet de tabac American Spirit vide qui date de l'époque à laquelle ils étaient tous différents d'une marque à l'autre, une clef jaune accrochée à un lacet violet et enfin, un petit plateau recouvert d'étoiles. Le même genre que celles l'on colle sur le plafond d'une chambre d'enfant et qui luisent la nuit lorsque l'on éteint les lumières. Parmi elles, il y en a une qui se démarque. Elle est un peu plus pointue que les autres. Le jour où on me l'a offert je suis devenu un homme. Cette étoile est la fin d'un songe…