Distractions

    Aujourd'hui je n'ai pas envie. Pas envie de boire du café. Pas du thé non plus. Pas envie de travailler ni sur mes morceaux ni sur mes croquis. Peut-être je devrais juste dormir et laisser le temps s'écouler. Un peu distrait je vais à droite à gauche dans mes pensées. Alors que ma cigarette se consume, la fumée me fait repenser à quelques rimes que j'avais écrit il y a quelques temps pour une chanson. Le morceau n'était vraiment pas terrible en sois mais je trouvais ces quatre vers vraiment réussis. Je retravaille un petit peu la forme pour que ça ressemble mieux a un poème. J'esquisse une strophe en plus, puis une autre. Une quatrième strophe aurait été la bienvenue mais quand je relis, je ne me vois rien y ajouter. Je corrige les quelques fautes qui me sautent aux yeux puis je rallume ma cigarette et contemple le résultat.

    "Les mains sur le clavier comme un pianiste,
Je laisse des traces de doigts comme au graphite,
Je voudrais que tout ces mots agissent,
Qu'il forme quelque chose de cette argile.

     Je n'y ai vu que du feu, que quelques rimes.
J'allume une cigarette comme dans les films.
Je fais les gestes justes comme un bon mime,
Tout est pourtant bien réel, tu imagines?

    Ma voix est allongée sur ces phrases,
Quelques volutes s'échappent de la barque,
Semblent s'arracher à l'attraction,
Avant de s'écraser sur la page."

    Il y a pas de vent aujourd'hui et mon "Optimist" dérive lentement sur les flots.
Le GPS m'indique la prochaine sortie. Aujourd'hui plus rien n'a vraiment de sens mais la route est encore longue. Demain - j'espère - le vent soufflera.

Mirabelle

     Il y a la poudre, le canon, quelques billets. Comme dans une de ces séries z ou ces reportages à la télévisions. Des sales histoires de complots, de détournement. On ne sait plus qui croire de nos jours. On ne sait même plus vraiment de quoi on parle. Des fois on aimerait être cet enfant qui met le coup de pied dans la fourmilière et qui rigole a grands éclats. Moi, si j'avais le choix je me réincarnerai en canard. En attendant, je suis une fourmi. *Ding* Putain c'est encore elle. On s'était dit que si on se quittait on resterais amis mais évidemment c'est plus compliqué que ça. Pourquoi on se parle encore? J'ai cru comprendre qu'on avait pas du tout les mêmes convictions. Les gens qui rêvent a trop petite échelle ça me fait monter sur mes grands chevaux. Bon restons calme. Je regarde mon téléphone. Ce n'est pas une si mauvaise nouvelle apparemment. On va pouvoir s'arranger pour le voyage. Nous devions prendre l'avion et partir a l'étranger une semaine ou deux. Dépaysement garantit, c'est le genre de romantisme que j'apprécie. Bon je râle mais ça m'aurait fait du bien de prendre des vacances un moment mais bon, elle en a décidé autrement. Si j'ai bien compris le tableau il faut encore que j'invente une histoire avec le médecin histoire d'avoir sa signature. Si j'envoie tout les bons documents à l'agence alors je pourrais me faire rembourser mon billet. Ca tombe bien, j'était plutôt réticent a ce voyage, je l'avait surtout accepté parce que c'était avec elle que je partais. En temps normal je ne peux pas me permettre ce genre de fantaisie, je n'ai pas beaucoup d'argent et puis je travail sur des projets important mais elle avait réussis a me faire dire que ça me ferait du bien. C'est fou ce que l'on peux faire pour les gens qu'on aime. L'amour fait souvent dévier les gens de leur trajectoire. Elle, c'était une fille plutôt banale mais elle a ce quelque chose de paisible que l'on ressens lorsqu'on est chez soi. Elle porte le nom d'un fruit. C'est un nom plutôt banal mais apparemment ce nom serait lié à la ou elle vivait dans sa jeunesse. Ca aurait quand même été sacrément différent si sa mère préférait le fromage. Les prénoms semblent souvent anodins mais je trouve qu'ils influencent dans une certaine mesure ce qui défini la personne qui le porte. Si j'avais été sa mère ou son père, je l'aurait sans doute appelée Corail. Elle a quelque chose de marin, de tumultueux comme l'océan mais d'une sérénité déconcertante comme un après midi de vacances au bord de mer. J'ai autrefois fréquenter une fille qui portait ce nom. C'était durant mes mes études d'art, elle était très belle mais un peu prétentieuse. Elle avait ce quelque chose d'irritant que les gens qui ont une haute estime d'eux même laissent paraître. Les personnes qui ont un nom moins commun sont souvent plus prétentieux que les autres. C'est vrai que si elle s'était appelé comme ça elle aurais surement vu sa vie différemment. 

    Une légère brise souffle dans le jardin, emportant mes pensées comme les pétales de fleurs du cerisier sous lequel je me suis installé. Le printemps est une belle saison. Il ne fait ni trop chaud ni trop froid. Il est symbole de renaissance. C'est un petit peu comme ça en nous aussi je crois. Notre relation est morte mais le soleil reprend sa course. Cela faisait quelques mois que nos cœurs étaient geler mais aujourd'hui la vie reprend son cours. Quelque chose me chatouille dans le coup. Je passe ma main le long de ma nuque et j'attrape ce qui semble être une fourmi. La plupart des espèces sont inoffensive, je la dépose donc un peu plus loin dans l'herbe en essayant de ne pas l'écraser avec mes gros doigts maladroits. Sous cet arbre je ne peux pas vraiment voir la forme des nuages mais j'en perçoit le mouvement. Le soleil rayonne. On entends le chant des oiseaux, les voix des enfants qui jouent ainsi que le bruit des petits avions de tourisme qui parcourent le ciel de la région. C'est une belle journée pour voler. Il y a du vent aujourd'hui.

Dix Mètres Carrés

    Il fait sombre. Le soleil s'est couché depuis une ou deux heures. J'ai souvent tourner en ronds ou en spirale sans vraiment savoir pourquoi mais jamais a ce point. A la base j'avais un plan. Je ne suis jamais le plan. Et même quand je suis le plan je fini par me perdre. Un bon ami à moi me dirait que c'est parce que je respire trop fort. Sa copine, elle, dit que c'est parce que je suis laid. La direction a prendre? Bonne question. Au Sud? Au Nord? Dans une autre ville? A l'Est ? A l'Ouest? ça c'est sur. Je devrais changer de pays, traverser les frontières. Ici je n'ai plus rien. Et ailleurs, ce n'est pas sur que j'ai quoi que ce soit. Peu importe, je vais marcher dans leur combine et peu importe combien de temps cela me prendra. Ils finiront bien par avoir pitié de moi et me jetteront quelques cacahuètes. Je marche dans le couloir en cherchant la porte. Ce dont je suis sûr, c'est que je suis dans le bâtiment E. La seule chambre dont je connais l'intérieur est la 326. Enfin je crois. Je n'arrive plus a savoir si c'est la 26 ou la 28. Tout ce dont je me rappel c'est que nous sommes au troisième étage. J'entends des voix familière a l'étage du dessus mais dans mon état, toutes les voix paraissent familières. J'aime tant l'inconnu que je me sens chez moi partout. Surtout là où il ne faudrait pas que je sois. Enfin ça c'est quand je suis dans mon état normal, là, j'aurais bien besoin d'un guide. Appeler un ami ou quelque chose comme ça. Vérifier mes notes, mettre le GPS ou demander de l'aide. Le problème c'est que toutes les portes se ressemblent seuls les chiffres inscrit en haut a gauche changent un petit peu. Il y a un escalier et de chaque coté il y a des portes. Il y a aussi une espèce de cuisine commune ou j'ai parfois fait à manger et la vaisselle avec Pauline. Ou bien peut-être s'appelait-elle Elena ou Mathilde qu'importe. Il faut a tout pris que je retrouve la chambre ! J'y ai laisser quelque chose d'important ! Je suis persuadé que c'est la 326 ou la 328 mais elles semblent toutes les deux fermées a clefs. Je vais monter au quatrième étage, j'y ai entendu de l'agitation. J'espère juste que leur petit jeu sera bientôt fini et que moi, je pourrais retrouver mon état normal. Je traverse donc le corridor en sens inverse. La cuisine est vide. Je prends les escaliers vers le quatrième mais je n'entends plus les voix. Arrivé sur le palier je me dirige vers l'emplacement ou se serait trouvé la chambre mais l'étage du dessous et cet étage là sont différent. Les rires et les plaintes reprennent de plus belle mais cela semble venir de la d'où je viens. J'ai l'impression d'être comme un chien en train d'essayer d'attraper ma propre queue. Je perds espoir. J'ai du rêver. Après avoir refait tout le chemin a nouveau, je frappe quelques coup à la porte. Des pas se font entendre, puis le bruit de la clefs dans la serrure. La porte s'ouvre laissant apparaitre un jeune garçon d'une vingtaine d'année. 
    "-Ouais qu'est-ce qu'il y a? C'est toi qui fait ce boucan depuis tout a l'heure?
    -C'est ici la chambre de Pauline?  
    -Euh non ?"
Un peu perplexe il m'observe de haut en bas puis reprends.
    -Ah mais oui !J'te reconnais, tu viens souvent pas vrai? Si c'est Estelle que tu cherche C'est la porte d'à coté, c'est la 326.
    -Euh OK… Merci."
Il referme la porte. Je ne comprends pas vraiment mais je ne suis pas en situation de faire autre chose que de l'écouter. Je fait les deux pas qui sépare  la 28 de la 26 et frappe quelques coups. Pas de réponse. Je suis perplexe. Je saisie la poignée et tente de l'ouvrir. Etonnement la porte ne résiste pas et je me retrouve dans les dix mètres carrés de la chambre étudiante de Pauline. Impossible de me tromper, je connais parfaitement cet endroit. Je pose mes chaussures et entre. Les clefs sont sur la serrure à l'intérieur, mon téléphone est sur le lit. Je suis déboussoler. Où peuvent-ils bien être? Je me débarrasse de ma veste et m'alonge sur le lit. Mes yeux se ferment tout seul et la fatigue m'entraine avec elle dans un sommeil profond.

    

    Il est a peine 4h du matin quand j'ouvre les yeux. Il me faut quelques minutes pour prendre conscience de l'endroit ou je suis. Je me dirige vers le bureau et allume l'ordinateur. Pendant le démarrage, je roule une clope. Je brule la feuille qui dépasse du coté du filtre puis je la met à la bouche et l'allume. Je pousse un profond soupir. J'ai encore rêvé de ça. Après avoir écraser le mégots dans le fond du cendrier, je retourne me coucher. Pas question de passer le reste de la nuit à rien faire. Il faut que je sois a peu près frais demain.

Rien De Spécial

Il est 7h du matin. Je peine à ouvrir les yeux. Mes nuits, on peut le dire, sont quelques peu agitées ces derniers temps. En fait, c'est un problème qui revient assez régulièrement et ce, depuis quelques années. J'y fait des rêves particulièrement réaliste. J'ai en quelques sortes une deuxième vie les yeux fermés. Les sujets sont très souvent les mêmes : amour, sexe, conspiration, business, trahison. La plupart du temps cela se base sur des souvenirs ce qui les rends d'avantage convaincants. Parfois ce sont juste des métaphores. Il m'est impossible de savoir si j'ai rêver avant de m'être complètement éveillé. Cela peux même parfois prendre plusieurs heures après être sorti du lit. En général je peux en dégager une sorte de morale. Parfois ils sont un peu plus abstrait et ce sont souvent ceux là les plus ... bizarre. J'aurais presque peur de m'endormir. Cela pourrait expliquer mes nombreuses insomnies. Je me frotte un bon coup les yeux et m'extirpe de la couette. Je m'étire une à une chaque partie du corps puis me dirige vers la cuisine. Ma tête me fait mal, j'ai l'impression de m'être fait rouler dessus par un camion. Je fait couler mon café dans ma tasse, ajoute une grosse cuillère de miel et me roule une cigarette. Une fois à mon bureau j'allume l'ordinateur et reste là, a moitié ahuri, me demandant ce que je vais bien pouvoir écouter. Après une ou deux minutes de réflexion, je lance _Rien de spécial_ de Népal. Cela me rappel un peu que je ne sais plus pourquoi j'ai commencé tout ça. Voulais-je de la notoriété? De la reconnaissance? Peu à peu je plonge dans mes pensées. Je me souviens de ce petit groupe d'amis rassemblé autour d'un banc vert en train de s'envoyer des rimes et chanter pendant les heures de cours. Je crois qu'a l'époque tout ce que je voulais, c'était me prouver que moi aussi je pouvait le faire. Et je voulais le faire parce que je trouvais ça beau. Pas beau comme un tableau dans un musée. Pas beau comme une fille qui fait tourner les têtes. Beau comme de la magie. Beau parce qu'on ne comprends pas quel est le truc. Et puis des yeux du spectateur on deviens les mains du magicien. On commence à comprendre les gimmicks, les tours de passe-passe. Puis on pratique les même mouvements inlassablement comme on pratiquerai un art martial. Parfois on progresse vite, parfois lentement mais à chaque palier on ne peux s'empêcher de ressentir une certaine satisfaction. Et c'est cette satisfaction, qui recule plus on s'approche, qui nous fait avancer, comme une carotte au bout d'un bâton. Aujourd'hui je n'ai plus cette satisfaction. Je connais trop bien les trucages. Je vois le bâton et je vois la ficelle. J'ai une bien trop haute estime de moi-même pour me permettre de la salir, de la souiller. Faire mieux ? J'ai cette orgueil qui me dit que c'est possible. Ce mieux, il est tout la bas, au prochain palier, à la prochaine escale, et moi, je me perds un peu trop en chemin. Je reprends mes esprits et change de musique. Où j'en étais? Ah oui, la musique, les filles et les affaires. Pas besoin de s'emmerder avec mon cerveau défaillant, je suis largement assez occupé pour le moment. Je file à la cuisine pour me refaire du café mais il n'y en a plus. Il va vraiment falloir que je fasse les courses.

Nesquik

    La chambre est sans-dessus-dessous. Le lit est défait et du linge sale est éparpillé sur le sol ci et là. Oisif, je suis assis a mon bureau. Il est jonché de vaisselle sale, de bouteilles et d'enveloppes vides. Le cendrier vomit ses mégots tant il est rempli. Ma mère dit toujours que l'état de notre espace reflète l'état de notre pensée. Là, c'est un sacré bordel. Pourtant, mes idées sont plutôt claire. Aujourd'hui je sais ce que j'ai à faire et ce n'est d'ailleurs pas compliqué. Je finis en vitesse mon thé qui est déjà presque froid et entreprends un brin de ménage. Je commence donc par remplir un sac poubelle avec les quelques ordures qui trainent par ci et par la. Je rassemble aussi les tasses et les assiettes qui trainent et les ajoute à la pile de vaisselle qui déborde déjà de l'évier de la cuisine. Me restera plus qu'a lancer une machine de linge et à passer un petit coup d'éponge et ce sera parfait. Je ferais ça en rentrant, pour l'instant je dois vite me rendre au point de rendez-vous. Si je ne me dépêche pas, je vais finir par être en retard.

    Le rendez-vous n'a pas lieu au banc vert habituel aujourd'hui. J'ai du faire quelques minutes de vélo de plus pour arriver au point GPS que j'ai reçu par message. Je me trouve à l'entrée d'une zone industrielle entre le parking d'une usine et l'entrée d'un garagiste. Il n'y a pas de banc ici et je déteste attendre debout. Quand je n'ai nulle part ou m'asseoir j'ai tendance a faire les cent pas. Je n'aime vraiment pas cet endroit, il est tard, il fait noir et le lieu est désert. Par sécurité j'ai attaché le cadenas du vélo, il serait fâcheux qu'on me le vole, il appartient a ma mère. Après quelques cigarettes, Nesquik arrive lui aussi sur le spot. D'une pichenette, il se débarrasse de la fin de son joint et me salue :
    "-Alors, comment ça va depuis la dernière fois? T'a bien kiffé?   
    -Franchement j'ai rarement goûté quelque chose d'aussi bonne qualité, j'étais impatient de commencer.
    -Je t'avais dit. Y a pas mieux dans la région en ce moment. Alors? tu as pu rassembler combien?
    -J'ai pu avoir six cent balles. Par contre j'ai vider mon compte bancaire, je vais devoir manger des pâtes jusqu'à la fin du mois.
    -Nickel, par contre pour cette somme je peux te faire vingt-cinq grammes pas plus.
    -Ah merde... j'aurais penser plus, t'avais pas dit que tu m'arrangerai sur le prix?
    -Non mais en vrai t'inquiètes, c'est un prix normal. C'est vraiment le top de ce qui se fait en ce moment. En plus si tu te démerde bien tu peux facilement faire le double. C'est pas comme la roulette. Là t'es sur de te faire de la maille. Fais moi confiance, faut vraiment être débile pour se mettre dedans.
    -Bon, ça va le faire, mais si t'arrive à me baisser les prix la prochaine fois j'pourrais envisager de t'en prendre plus.
    -Ouais, ouais, c'est ça, t'inquiètes. On verra la prochaine."
Il fouille quelques instant dans sa sacoche puis en sort une petite boîte cylindrique qu'il me tends. Je la prends et lui tends les billets qu'il s'empresse de recompter.
    "- Bon c'est nickel frérot. Fais attention aux flics sur la route. Et préviens moi quand t'as fini d'écouler tout ça.
    -Ca marche, à la prochaine."
Je vérifie que mes poches sont bien fermées, salue Nesquik d'un signe de main et enfourche mon vélo. Ca y est. Les affaires reprennent.